« _ Quand même faire le deuil tu exagères !
_ ben moi je le ressens comme ça, je me sens très triste, vraiment très triste, et par exemple, quand je croise une petite fille, avec un tutu et des couettes, je me dis que moi je ferais jamais des couettes à ma fille, et je ne lui mettrais jamais une robe de flamenco à volants, et j’ai envie de pleurer, d’ailleurs parfois j’ai même une petite larme qui coule.
_ mais bon, tu as failli ne jamais avoir d’enfants, alors t’as pas le droit de te sentir triste.
_ ben j’ai peut être pas le droit, mais c’est comme ça, j’ai mal dans le cœur, je suis triste, et pour l’instant il me faut du temps pour l’accepter, je sais que je finirai par l’accepter, mais il me faut du temps, et il faut que toi tu acceptes ma tristesse, parce qu’elle ne va pas partir tout de suite.
Et puis il y a autre chose, les filles, surtout quand elles grandissent, elles ont une relation avec leur maman que le garçon n’aura JAMAIS ! Et moi j’aurais jamais cette relation là, j’irai jamais faire les magasins avec mes garçons, et ils ne me diront jamais « oh maman, elle te va trop bien cette robe, tu devrais la prendre, parce que les garçons ça aime pas faire les magasins de vêtements avec leur maman, sauf pour leur gueule. Et s’ils aiment ça, ça veut probablement dire qu’ils sont homo, et franchement, je sais bien que le monde va évoluer et que ça va devenir plus facile pour les homo, mais pour l’instant c’est pas de la tarte tous les jours, alors je ne leur souhaite pas, déjà qu’ils vont être noirs les pauvres! (C'est de l'humour! De l'humour noir :-) ) Tu vois, autre chose, je trouve que c’est plus facile pour une jolie femme noire ou métisse qui a fait des études (oui parce que sans diplome ni formation c'est difficile quelle que soit la couleur de peau), que pour une joli mec noir qui a fait des études de trouver du travail. (Et sinon demande à Harry Roselmack combien ils sont de journalistes noirs à la télé ?)(en plus Harry, en plus d'avoir certainement des talents de journaliste, il est grave 4 heurinesque... ça veut dire j'en ferais bien mon 4 heures... Oui enfin je veux dire, je prendrais bien le thé avec lui dans un salon de thé, avec des petits fours, un 4 heures quoi...)
_Ben les garçons ils adorent leur maman, ils ont le complexe d’Œdipe, et ils sont super câlins et affectueux avec leur maman.
_ Oui, et un jour ils se marient, et ils partent de la maison, et ils ne t’appellent plus, et ils ne te racontent plus rien, et tu les vois une fois tous les trois mois au mieux. Quand aux câlins ??? Passé 4, 5 ans les petits garçons ils sont plus tellement câlins avec leur maman, dans la grande majorité en tout cas. A la puberté ils s'éloignent beaucoup plus que les filles je trouve, et après tout je trouve ça normal! (mais moi j'adore les calins, j'y peux rien, j'adore ça)
_ Oui mais regarde, ton frère, et ton père, et ton copain, et ton cousin Raul.
_ MON FRERE ???
_ Ben quand il était petit…
_ OUI, quand il ETAIT petit, maintenant il fait pleurer ma mère à chaque fois qu’il la voit et qui téléphone quand il a besoin d’argent ou de quelque chose pour la maison. Mon père est parti vivre à l’autre bout du monde toute sa vie, et il peut passer un mois ou deux sans appeler ses parents, mon copain adore sa mère, mais il ne lui confie rien sur sa vie personnelle, elle ne sait même pas qu’on a fait une fiv pour avoir les jumeaux, il oublie son anniversaire tous les ans et pire il dit « oui mais elle s’en fout de son anniversaire » (bien sûr idiot, elle va pas te dire « ça me fend le cœur que tu ne saches pas quel jour je suis née », elle est trop gentille pour te faire de la peine !), quand à mon cousin Raul, je te l’accorde, il est adorable, il adore sa mère et fait tout pour l’aider, lui faire plaisir, lui rendre servirce, d'ailleurs jusqu'à l'âge de 10 ans il fesait même les magasins avec lui et lui disait "oh maman, achète cette robe t'es trop belle dedans", mais maintenant il a 17 ans, et il préfèrerait se prendre avec ses propres tripes après s'être lui même évicéré que faire les magasins avec sa mère, et puis on en reparle quand il sera en fac de médecine, puis marié, puis père ???
_ Ben en tout cas pour eux c’est beaucoup mieux, c’est mieux d’être deux garçons.
_ Je suis tout à fait d’accord, pour eux c’est génial, ils vont être super complices, et avoir une super relation fraternelle. Mais ça n’enlève pas que je suis triste pour moi.
_ Ben tu es mauvaise et super égoïste, c’est pas bien pour tous ceux qui ne peuvent pas avoir d’enfants. Et tu peux pas te plaindre parce que tu as failli ne jamais avoir d’enfants.
_ Oui surement. Mais disons que c’est comme quelqu’un qui voulait être cycliste professionnel, et il a un accident de voiture, et il perd l’usage d’une jambe. Il a failli mourir, alors il est super content, il n’est pas mort, mais quand même, il ne peut pas s’empêcher de penser, je ne ferais JAMAIS le tour de France (je vous dis ça, mais moi je préfère la gymnastique rythmique, le tour de France je trouve ça chiant :-)), et surement qu’il va s’en remettre, qu’il fera du vélo comme ça le dimanche, sur un vélo adapté, ou qu’il travaillera dans une association pour aider ceux qui comme lui ont failli perdre la vie dans un accident, et qu’il va avoir une super vie et être super heureux. Mais tu ne peux pas lui demander, comme ça, du jour au lendemain d’accepter qu’il ne fera JAMAIS le tour de France, et quand il verra un panneau du TOURMALET, il y aura toujours une petite ombre qui passera sur son visage. Il faut que tu comprennes qu’il lui faut un peu de temps.
_ Oui, je vois ce que tu veux dire. Mais bon, tout n’est pas perdu, tu auras peut être une fille après.
_ Déjà tu vois, j’ai pris la décision de ne plus jamais faire de traitement si invasif pour mon corps, après oui, je sais bien, la légende urbaine du couple qui pouvait pas avoir d’enfant et qui en a un naturellement juste après une FIV, donc peut être que ça viendra naturellement, mais fondamentalement je n’ai pas forcément envie d’avoir 3 enfants, ça implique une plus grande maison, une plus grande voiture, 5 billets d’avion pour rentrer l’été. Et partir en vacances par exemple, les locations les chambres d’hôtel sont souvent formatées pour des familles de 4, c’est aussi renoncer à quelque chose, financièrement il faut assumer (oui je sais, je suis horriblement superficielle, j'ai envie d'avoir les moyens de voyager et partir en vacances en famille). Et puis tu vois, si tu me disais, vas y fonce, je t’assure à 100 % que le prochain c’est une fille, ben je foncerais, mais et si c’est un garçon ? J’ai pas envie d’un 3ème enfant, j’ai envie d’une fille, alors tu vois, si c’est un garçon c’est un peu dégueulasse de lui faire ça le pauvre.
Donc il me faut du temps tu vois, je vais finir par l’accepter, et je vais peut être découvrir des choses très chouette avec des garçons, des choses que je ne soupçonnais même pas, mais chaque fois que je verrais une petite métisse avec ses cheveux mousser sur sa tête, je me dirai avec un petit peu de tristesse, j’ai jamais acheté une jupe qui tourne à ma fille, j’ai jamais fait des tresses ou des chignons, j’ai jamais joué à la poupée ou au maquillage. (oui je sais, les petits garçons peuvent jouer à la poupée et mettre du rouge à lèvres, et les petits filles peuvent aimer conduire des tracteurs et jouer au rugby, les stéréotypes c'est le mal tout ça tout ça) »
Après j’ai repensé au truc de faire les magasins avec ma mère, et il faut bien m’avouer un truc, ma mère dans les magasins elle m’énerve, elle est incapable de se décider, elle achète sans essayer et après elle râle parce que ça lui va pas, avant parfois elle touchait à tous les articles et les faisait tomber par terre et elle me disait « tiens, remet ça sur le cintre » (ça me rendait dingue), et en plus elle est increvable, quand moi je suis rincée, elle peut continuer à marcher encore et encore.. Une fois je l’ai même vu invectiver un pauvre vendeur qui fermait la grille du magasin en ville à 7 heures en disant, mais ce n’est pas possible, il fait encore jour, en Espagne les magasins ferment à 10 heures ! :-)
J’adore ma mère, elle m’énerve mais je l’adore. Je lui demande, et moi, j’ai marché à quel âge, et j’ai tété combien de mois, et j’ai parlé à combien ? Et là au moment où je m’apprête à être mère j’ai mille question à lui poser, et j’espère qu’elle sera là au moment de la naissance des bébés, et j’espère que ma belle mère que j’aime beaucoup elle sera pas trop trop là elle (parce que je ne me sens pas à l’aise avec elle comme je me sens avec ma mère, à qui je peux dire « maman s’il te plait, laisse moi faire comme je veux, comme je le sens, même si je me trompe, j’ai envie de faire comme ça »), ben là, à ce moment là, je me dis que quand mes fils seront grand je n’aurai pas ça avec eux. Et que tu le veuilles ou non, une fille c’est plus proche de sa mère, et je ne comprends pas, qu’on ne comprenne pas, que pour moi c’est douloureux de faire le deuil de cette relation avec ma fille que je n’aurai jamais, et que j’imaginais comme la relation que j’ai avec ma mère qui est la femme que j’aime le plus au monde.
Je veux juste qu’on me laisse le temps, je veux juste qu’on comprenne que ça va passer, mais que pour l’instant je fais le deuil, je veux juste qu’on me demande pas de l’accepter en cinq minutes, parce que pour l’instant je n’y arrive pas. Et ça me met dans une rage folle qu’on me demande de l’accepter en cinq minutes, et qu’on me dise « je ne comprends pas que tu sois triste, tu n’en as pas le droit »
Peut être que je trouverai une activité à faire avec mes fils, quand ils seront ado ou adultes, une qu’ils se forceront parfois un peu à faire parce qu’ils auront envie de faire quelque chose avec moi, même si je les énerve, et ça me réconforte un peu de penser ça, mais quand même, quand même, quand je vois une petite métisse avec une jupe à volant et des cheveux qui moussent sur la tête…
EDIT
La crise est passée. Plutôt rapidement d'ailleurs. J'ai décidé de consulter un psychologue. Le plus difficile c'est d'avoir un rendez vous en fait... Je crois que j'ai besoin d'analyser avec un professionnel ce qui ne va pas dans ma famille maternelle. Ce qui fait que les hommes font tellement de mal à leurs mères et à leurs soeurs. Même schéma pour ma grand-mère et ma mère, et donc j'ai très peur de reproduire la même chose avec mes garçons.
Cette histoire de jupes et de couettes n'était que la partie visible de l'iceberg. La vrai raison de ma deception, de mes angoisses, c'était que je m'étais inconsciement persuadée que mes garçons m'aimeraient jusqu'à 5 ou 6 ans puis qu'ils se détacheraient de moi et rejetteraient en bloc tout l'amour et toute la tendresse que j'aurai pour eux (je sais que c'est totalement irrationnel, mais je crois que l'inconscient et tout sauf rationnel.) Je suis très différente de ma mère, mais physiquement je suis pratiquement calquée sur le même moule, même silhouette méditerranéenne, même teint mat, même ovale du visage, même yeux marrons, certains grains de beauté au même endroit, quand on rentre dans un magasin ensemble depuis des années on nous dit fréquement " vous êtes mère et fille, aucun doute là dessus". J'ai fini par croire que j'étais un prolongement de ma mère, d'autant qu'elle m'a également transmis son goût pour la cuisine, pour la lecture, le plaisir qu'elle a quand elle peut rendre service à quelqu'un. Mais nous sommes aussi très différentes, elle m'a toujours gentiment "traitée" de féministe, ma mère est totalement au service de la maison et de ses habitants, j'ai toujours dis que pour moi un homme était aussi apte à passer un coup d'aspirateur, laver et repasser le linge et changer une couche qu'une femme (et j'ai rencontré un homme formidable qui pense la même chose)(il n'est pas formidable que parce qu'il pense aussi la même chose)(il a aussi un très gros sexe :-) )(je plaisante)(en fait non). Bilan, alors que j'ai toujours du faire ma part des tâches ménagères à la maison, ma mère a accepté que mon frère ne fasse rien, il s'est efforcé avec une fierté sans faille de casser quelques assiettes et inonder la cuisine les quelques fois on on lui demandait de faire quelque chose . Sa phrase favorite quand il y a des invités à la maison est "non, non laisse, Manu/Maman va le faire", il se croit très drôle, et moi j'ai juste envie de lui foutre un gros coup de pied dans les couilles. Mais je crois que le pire dans tout ça c'est la transparence et l'indifférence de mon père face à cette injustice qui m'a toujours révoltée. Et je réalise que mon amoureux d'amour ne réagira pas de cette façon là. L'autre jour on "testait" deux possibles prénoms pour les garçons, et je disais "Gontran, Donald à table" (je déconne hein, c'était Kévin et Djayzon) et après avoir dit "ah oui tiens ça le fait bien Tyson et Easwood" il a ajouté "comment ça à table?? Non non non, Luke et Anakin vous venez mettre la table". Et en fait j'ai réalisé que je me voyais déjà un peu comme ma mère, l'esclave de la maison et de ces trois hommes, alors qu'en fait Galilée va continuer à me choyer comme il le fait déjà, et que le modèle masculin que mes garçons auront ne sera pas celui de cet homme un peu macho qui considère que les tâches des filles et celles des garçons ne sont pas les mêmes. (En plus je lui ai oh combien prouvé qu'il avait tort puisqu'il m'a vu changer une roue, changer des fusibles, remettre de l'huile/du liquide lave glace/ du liquide de refroidissement dans la voiture, trouver le faux contact du lustre de la cuisine, poncer et repeindre les volets et le portail/ repeindre des murs, remplacer une prise murale, faire des trous avec la perceuse pour installer des étagères ....). Enfin voilà, j'ai réalisé beaucoup de choses, et surtout je vais voir un psychologue pour résoudre tous ces problème, et j'adore mes garçons, j'ai hate des les serrer dans mes bras, et d'acheter des petits body d'une mignonitude absolue (parce que je ne suis que clichés et superficialité j'ai décidé qu'une partie de ma thérapie consistera à me vautrer dans le consumérisme et à dépenser des sommes indécentes dans des vêtements trop mignons pour mes babyboys, sérieusement, comment j'ai peu regretter les jupes quand je vois ça!!!)